La légalité externe : les clés pour contester efficacement un acte administratif
Vous souhaitez contester un acte administratif qui vous fait grief, comme un permis de construire ou une décision de refus ? Pour avoir toutes les chances d’obtenir l’annulation de la décision par le juge administratif, il est essentiel de bien comprendre les règles de la légalité externe. Zoom sur les conditions de forme et de procédure que doit respecter l’administration, sous peine de voir sa décision annulée pour excès de pouvoir.
L’auteur de l’acte était-il compétent pour le prendre ?
Premier réflexe pour vérifier la légalité externe d’un acte administratif : s’assurer que son auteur était bien compétent pour le prendre. L’autorité administrative doit en effet disposer d’une compétence matérielle (chaque autorité a un domaine de compétence délimité), territoriale (un préfet ne peut agir en dehors de son département) et temporelle (délégations de signature).
L’incompétence est un moyen d’ordre public qui peut être soulevé à tout moment devant le juge, même après l’expiration du délai de recours contentieux de deux mois.
Par exemple, un permis de construire délivré par un maire pour un projet situé dans une commune voisine sera entaché d’incompétence territoriale et pourra être annulé par le tribunal administratif, sur recours d’un administré ou du préfet dans le cadre du contrôle de légalité.
Bon à savoir : le tribunal administratif peut, à la demande du requérant, prescrire toute mesure utile pour établir la preuve d’une illégalité externe (article R. 532-1 du code de justice administrative). Par exemple, il peut ordonner à l’administration de produire un document pour vérifier la compétence de l’auteur de l’acte.
Les règles de forme et de procédure ont-elles été respectées ?
Outre la compétence de son auteur, un acte administratif doit respecter certaines règles de forme comme l’obligation de signature ou de motivation pour les décisions individuelles défavorables (refus de titre de séjour par exemple). Les règles de procédure sont également importantes : consultations obligatoires, respect des droits de la défense…
À la différence de l’incompétence, le vice de forme ou de procédure n’est pas un moyen d’ordre public : il ne peut être invoqué que dans le délai de recours contentieux de deux mois suivant la notification ou la publication de l’acte.
Attention cependant, seuls les vices substantiels, qui ont eu une influence sur le sens de la décision ou privé les intéressés d’une garantie, entraînent l’annulation. Un vice purement formel (erreur matérielle par exemple) ne suffit pas. Ainsi, l’absence d’enquête publique avant une déclaration d’utilité publique sera considérée comme un vice substantiel justifiant l’annulation, le juge estimant que la participation du public aurait pu modifier le projet.
A noter : Si le recours contentieux est fondé sur un vice de forme ou de procédure, il est possible de demander au juge de limiter les effets de l’annulation, notamment en fixant une date d’effet différée, afin de permettre à l’administration de reprendre une décision exempte du vice pour l’avenir (article L. 600-9 du code de l’urbanisme en matière d’urbanisme par exemple).
Faut-il faire un recours administratif avant de saisir le juge ?
Avant d’introduire un recours contentieux devant le tribunal administratif, il peut être utile de faire un recours administratif préalable (gracieux ou hiérarchique), pour donner une chance à l’administration de corriger elle-même son erreur. Ce recours préalable prolonge le délai de recours contentieux.
Le recours gracieux s’exerce auprès de l’auteur de la décision, le recours hiérarchique auprès de son supérieur hiérarchique. Leur régime contentieux est identique. Le silence gardé par l’administration pendant 2 mois sur un recours administratif vaut décision implicite de rejet, qui fait à nouveau courir le délai de recours contentieux.
Par exemple, en cas de refus de permis de construire, un recours gracieux peut être adressé au maire dans les 2 mois, afin qu’il revoie sa position. S’il ne répond pas dans les 2 mois ou confirme son refus, un recours pourra alors être formé devant le tribunal administratif dans les 2 mois suivants.
Bon à savoir : Un recours contentieux doit parfois être précédé d’un recours administratif préalable obligatoire, sous peine d’irrecevabilité (en matière fiscale ou de fonction publique par exemple).
Quelles sont les conséquences d’une illégalité externe ?
Si le juge administratif, saisi d’un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois suivant la décision, constate son illégalité externe, il prononcera son annulation rétroactive. La décision est réputée n’être jamais intervenue. L’administration devra tirer toutes les conséquences de cette annulation (abrogation des actes pris sur son fondement, réexamen de la situation…). Dans certains cas, l’illégalité pourra aussi engager la responsabilité de l’administration et l’obliger à indemniser le préjudice subi.
Cependant, en matière d’urbanisme, il est possible de demander au juge, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de prononcer une annulation partielle d’une autorisation, limitée aux seules dispositions illégales, si elles sont divisibles du reste de l’acte.
En cas d’urgence, le requérant peut également déposer un référé suspension devant le juge administratif, afin d’obtenir dans un délai rapide (quelques jours) la suspension des effets d’une décision manifestement illégale. Un référé obtenu sur le fondement d’une illégalité externe augmentera considérablement les chances de succès d’un recours au fond en annulation.
Le référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative) permet aussi d’obtenir la suspension en urgence (sous 48h) d’une décision administrative portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Mais ses conditions de fond sont plus restrictives que le référé-suspension.
Pour avoir les meilleures chances de voir la décision administrative censurée, il est recommandé de soulever devant le juge tous les moyens pertinents, relevant à la fois de la légalité externe et interne, dans le délai de recours de deux mois (des délais spéciaux, réduits ou allongés, peuvent être prévus par des textes particuliers et se substituer au délai de droit commun).
Un contrôle attentif des conditions de compétence, de forme et de procédure est donc un réflexe indispensable pour contester efficacement tout acte administratif litigieux. N’hésitez pas à vous faire assister d’un avocat spécialisé en droit public pour optimiser votre recours !
L’essentiel à retenir
- Pour qu’un acte administratif soit légal, son auteur doit être compétent pour le prendre (compétence matérielle, territoriale et temporelle) et il doit respecter les règles de forme (signature, motivation des décisions défavorables…) et de procédure (consultations obligatoires, respect des droits de la défense…). L’incompétence peut être invoquée à tout moment, le vice de forme ou de procédure seulement dans le délai de recours.
- Avant de saisir le juge administratif, il est conseillé de faire un recours gracieux auprès de l’auteur de l’acte ou un recours hiérarchique auprès de son supérieur, pour lui donner une chance de corriger son erreur. Ce recours préalable, obligatoire dans certains domaines, prolonge le délai de recours contentieux.
- Si le juge administratif constate l’illégalité externe d’un acte, il prononce en principe son annulation rétroactive. En cas d’urgence, un référé-suspension ou un référé-liberté peuvent aussi permettre d’en obtenir la suspension rapide. Dans tous les cas, il faut soulever l’ensemble des moyens pertinents dans le délai de recours.